Texte issu du premier atelier d'écriture (durée : 1h30) 
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Depuis 2h ce matin, je trime à ma tâche. 
Comme 6 jours par semaine, comme toutes les semaines de l'année, je transpire pour que le plus grand nombre aie son plaisir matinal. 
Je suis toujours et encore à pétrir, fourner et défourner de belles miches, plus ou moins grosses, plus ou moins rondes. 
Depuis mon adolescence, j'adore cette odeur, mélange suave de soleil, de poussière, de chimie et d'alchimie magique, prémisse à la vie, et si je bosse bien, prémisse à l'envie. 
Déchirant la croûte, à la limite parfois de la brûlure, ce four qui cuit et qui dort, reste le centre de mes attentions. Je ne me lasse pas de glisser mes doigts dans toutes les farines existantes, toutes apportant des sensations différentes, toutes sources de plaisir si différents. 
Je donne de ma personne, de ma force manuelle, afin de faire monter cette matière qui, tout à l'heure, glissera entre les lèvres d'une myriade de personnes gourmandes. Ma prison est source de vos plaisirs, vos plaisirs sont causes de ma prison. Et pourtant, j'aime cet univers, qui, avec le temps, est devenu mon univers. 
Il arrive qu'une "amie" privilégiée traverse le mur et vienne s'alanguir sur ces sacs de poudre blanche. 
Est-ce que la mamie du 4ème imagine que, 3h avant son bol de café/chicoré, la farine de son croissant servait de matelas à une éruption matinale. 
Se rendre service entre commerçants, quoi de plus normal : du pain bien chaud, direct sorti de la fournaise, contre quelques morceaux tendres de charcuterie. Et puis, il n'est de juste retour que la saucisse rend sa pareil aux miches. Le matin, ou la nuit, puis-qu’à 4h30, il est encore nuit, seuls les éveillés se passionnent. 
Mon épouse, puisque oui, je suis marié, vaque à ses occupations lors de ses journées. Point de reproches, point de Pomponnette à l'horizon, le plaisir, qu'il soit buccal et/ou autre, n'est pas cette prison que constitue l'arrière boutique de ma boulangerie. Un lieu chaud, humide, parfois brûlant, toujours éclairé, n'est-ce point la description que beaucoup pourrait donner de la passion ? Moi, c'est mon univers. 
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La charcutière, effectivement, connait son entrée. Par curiosité toute à fait saine, elle me demanda à le visiter. Je n'ai pu refuser, ses miches valant tout autant les miennes. Et j'en fus récompenser, elle n'était pas avare de ses rondeurs, toutes enfarinées, afin que je lui montre l'étendu de mon talent de pétrisseur. Elle n'en resta pas en reste en montrant ses talents professionnels à son tour : la saucisse n'a pas de secret pour elle. Et par chance, cette visite ne fut que la première. 

La mamie du 4ème aussi est désireuse que je lui fasse la visite. J'hésite. Elle est gentille. Elle fut de mes premiers soutiens ici. Ce qui me retient ? Non pas son physique, je n'ai rien contre les replis et croûtes. Juste, il y a quelques temps, elle ne put s'empêcher de me raconter, pour mon bien, la vie et les sorties de ma conjointe. Non, elle n'espionne pas mais des fois, on voit. Et puis, la semaine dernière, au magasin, elle me fit la remarque, sans espionner bien sur, que la charcutière venait prendre son pain chaud de bonne heure. Elle pensait peut-être tenir une emprise sur moi. 
Même si ce n'est pas le cas, je vais lui faire plaisir. Il parait qu'il faut être gentil avec ses aînées. Et puis, à 80 ans, si elle retire son dentier, elle sait peut-être y faire, il lui reste sa langue (bien pendue mais sans espionner). Ca fera pas grande tache dans la farine, sa fontaine doit être presque asséchée. Tiens, il faut que je pense à prendre de quoi faciliter l'accès. L'huile qui sert à faire dorer les viennoiseries ? Pourquoi pas, on verra. 
Elle ne me fera pas autant de dégât que Jacqueline (oui, la charcutière a un prénom), fichue fontaine. La première fois, j'ai cru que ça allait me tremper tout mon stock. Heureusement, la farine, ça absorbe. Et puis, un petit pain au goût de Jacqueline, ça serait à tester. 

Donc voilà, jeudi matin, Mme Veuve Berlot est là, présente pour la visite. Elle s'est faite belle. Mais si c'est sa plus belle tenue, la dernière fois qu'elle a du acheter des vêtements, ca devait être juste après Mai 68. Je la fais pénétrer dans mon antre, cette grotte où la bête oeuvre. 
A peine ai-je fermé la porte derrière nous que le vouvoiement disparaît. Je deviens par un tour de magie son "pétrisseur à la grosse baguette". Comment sait-elle ? Moi qui pensais mener la manœuvre, me voilà projeté par une femme de 80 ans, sur mon plan de travail. Elle défait sa robe. Elle est devant moi, non pas en Damart comme je l'avais imaginé, mais en guêpière et bas. LE CHOC !!! 
Il n'y a pas à dire, l'expérience, ça a du bon. D'un geste habile, mon pantalon est déjà ouvert et je confirme, elle a encore une langue foutrement agile. Putain, le pied !!! Imaginez une star du porno avec 60 ans d'expérience. Moi, je n'imagine pas, je le vis. 
Je prends le temps de regarder enfin son corps. Point de croûte, pas trop de rides, l'espionnage, ça entretient. Il faut que je fasse attention à ne pas faire monter la pâte trop vite, au risque de napper les éclairs posés devant, d'une matière, bien que comestible, qui ne soit pas reconnut par l'Office Nationale de la Boulangerie. 
Point ne se passe ainsi. Elle est vraiment magique. D'une pression, mon volcan se calme. Et elle se retourne, cul offert, me précisant qu'on verrait une autre fois pour les préliminaires, là, elle voulait sentir ma baguette lui défoncer la praline.