Texte issu du troisième atelier d'écriture (durée : 2h00) 
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En ce jour de pluie, je suis debout, grave, au milieu d’une foule, inconnue pour partie, connue pour partie, ignorée pour le reste. Je me dois d’être fort. Dans ce jardin de mort, j’enterre mon ami, mon frère, mon double, moi. Je ne peux m’empêcher de penser que ça lui ressemble si peu, lui, gaie, joyeux, vivant. Je contemple ce spectacle de tristesses, plus ou moins réelles. 
Mon regard s’arrête sur une ombre sortie de la masse. Une ombre, pas noire, pas sombre, une ombre de lumière, d’un rouge de vie. Elle est là. Je ne sais qui elle est, ce qu’elle est. Pour moi, à l’instant, elle est uniquement une présence. 
Elle me regarde ? Je ne puis le dire. J’ai seulement l’impression qu’elle devient plus éblouissante. Pour la première fois, je me déplace, contournant les uns au début, bousculant les autres au fur et à mesure, allant vers cette source. 
Enfin, je la distingue, grande, suave, lisse. Je ne sais rien d’elle, cette forme, juste qu’elle m’attire. Attirer, c’est le mot juste. Je ne marche plus, je déambule entre les tombeaux, toujours à m’approcher d’elle, sans pour autant l’approcher. Cet être me veut, je le sens, comme je sens mon envie. Je me sens libre, libre de désirer en ce jour où je n’ai pas le droit. Mon âme vole au dessus des tombes. Elle a pris le pouvoir sur moi. 
Toujours sans savoir pourquoi, je m’allonge sur une pierre. Bien qu’en marbre, j’ai l’impression de m’y bruler. Elle est là. Pour la première fois, je peux la sentir, la ressentir. Qui suis-je ? Je ne suis plus moi. Enfin, je ressens sa main sur moi, son souffle sur moi. Elle m’aspire l’esprit, faisant de mon âme une nourriture donc elle se délecte. 
Mes vêtements fusent, doucement, autour de nous. Je n’arrive plus à garder les yeux ouverts, tellement cette ombre luit. Et pourtant, je la vois. Elle est tout mon désir. Si j’avais su peindre, dessiner ou sculpter, ce serait Elle, Elle avec un E majuscule. Un corps lisse, des courbes comme je n’en avais jamais espérées. Comment connaitre ce corps si parfait que pourtant je ne peux voir ? Comme un rideau qui se déchire, ou une brume matinale qui se lève, je sais son corps, partie après partie, au rythme de sa volonté. Je sais que je le connais en entier mais mon esprit ne voit que ses seins. J’adore ces rondeurs que la nature a donné à caresser. Mais je me bas pour le reste, pour connaitre tout son être. 
Je ne peux bouger, me contentant de ressentir son corps au travers ses actes, comme un cercueil d’envies et de désirs. Ses lèvres sont enfin sur moi, sur ma peau, peut-être même au-delà, dans ma chaire. Je sens ce délicieux plaisir de la fusion. Ce plaisir que je n’avais connu qu’au moment de l’extase avec mes partenaires (ceux, rares, qui mettaient les forces). Je peux la sentir sur mon corps nu, allongée sur moi, comme un rayon de soleil caresse la peau sur la plage. Elle ne pèse rien, le souffle d’un espoir, l’espoir de savoir. Savoir pourquoi moi, savoir pourquoi maintenant, savoir qui. 
Nos corps enlacés, embrassés, emprisonnés l’un avec l’autre, l’un dans l’autre. 
Je ne suis plus dans la réalité, cette réalité qui me faisait garder les pieds sur Terre. 
Imaginer un verre, un beau verre, décoré, de belle facture, de belle matière, se suffisant à lui-même comme objet. Rajoutez-y du vin, le meilleur au monde. Vous obtenez un duo parfait, un moment de perfection. J’étais moi, à cet instant, tel ce verre, rempli de tout l’univers. Elle me remplissait totalement, autant mon esprit que mon corps. Mais qui est-elle ? 
Je tente bien des efforts pour reprendre la main sur moi mais impossible. Je suis comme emprisonné en elle. Je continue à sentir son corps, à ressentir ses courbes. Je distingue une main, un bras, une cuisse, une chevelure. J’essaye d’en faire le tout. Je sais que j’aime chaque partie unitairement, le tout m’échappe encore. Je peux vivre son plaisir comme le mien. Je sens son désir, pour elle, je sens le bien qu’elle me fait. Elle me connait, ce n’est pas possible autrement. Elle connait mes moindres envies, mes moindres penchants. Mon sexe se trouve pris dans un nuage, dans une source, comme enveloppé dans la Terre primaire. Je ressens chaque cellule de ma queue, en vibration avec elle. Je n’avais jamais ressenti cela, ni lors de fellation, pénétration ou tout autre jeu. Juste mon sexe est au paradis. 
Impossible de savoir si elle m’a en bouche, si elle me caresse, si elle s’est empalée sur moi, par devant ou par derrière. Je vis cette monté de jouissance comme une ascension. Le septième ciel n’a jamais autant si bien porté son nom. 
Puis, tout s’est arrêté. Cette douceur jusque là si bonne, devient force, ce coton devient sable. C’est la première fois que je souffre ainsi. Je sens ma queue, précédemment dans le miel et la mousse, bascule dans les rocailles et les ronces. Ce corps si léger au dessus de moi pèse une tonne, m’empêchant de respirer. 
Et pourtant le plaisir reste là. 
Elle continue à utiliser mon sexe à sa convenance. Je sens des pressions là où je sentais palpitations, la chaleur s’est transformée en brulure, le nuage devient volcan. Elle continue avec moi. Oui, elle me baise. Plus de tendresse, juste une puissance animale qui est là. 
Je sens comme une caresse sur mon anus. Pas celles qui me faisaient jouir, non, une pression forte, irrésistible. Et me voilà enculé. Mais qu’est-elle ? 
Je ne comprends plus rien. Cette forme douce, féminine, qui m’encule sauvagement, ses mains si douces tout à l’heure qui maintenant m’empoignent avec une vigueur d’homme. Je suis sa chose. Et toujours impossible de bouger, parler, ni même ouvrir les yeux. Et ce plaisir qui n’en finit pas de venir en moi. Cet être me branle tout en me sodomisant, provoquant tous les plaisirs, tous mes plaisirs, en une vague de jouissance incommensurable. 
J’ouvre enfin les yeux, j’y suis autorisé devrais-je dire. Devant moi, cette ombre, d’un rouge éblouissant, est à présent d’un noir brillant, d’un blanc immaculé, un mélange de lumière et de nuit. Je sais enfin. 
Cette petite mort que je viens de vivre, c’est ma mort. Je vois Thanatos, ange ou faucheuse, du fond de mon trou. 
Une façon bien étrange de vivre son propre enterrement.